Sur les conseils de Sandrine Sarroche, ancienne avocate devenue humoriste de talent, j’ai lu pendant les vacances estivales, l’ouvrage de Sheryl Sandberg
« En avant toutes. Les femmes, le travail et le pouvoir » (titre original Lean In),
publié aux éditions JC Lattès, avec une préface de l'ancienne ministre et consœur Madame Christine Lagarde.
Le pitch du livre est plutôt accrocheur :
« Œuvrer pour que plus de femmes accèdent au pouvoir, qu’elles bénéficient des mêmes opportunités que les hommes, qu’elles osent s’affirmer et assumer leurs choix : autant de défis que propose Sheryl Sandberg dans un livre percutant, plein d’énergie et d’humour, à partir de son expérience personnelle.
Sheryl Sandberg, numéro deux de Facebook, figure parmi les cent personnalités les plus influentes au monde selon le Time. Véritable phénomène aux Etats-Unis, En avant toutes est traduit dans le monde entier ».
Et last but not least :
« Sheryl Sandberg s’engage à verser les bénéfices de ce livre à Lean In, une fondation à but non lucratif encourageant les femmes à réaliser leurs ambitions, ainsi qu’à d’autres organisations caritatives de soutien aux femmes. »
Je dois avouer que j’étais moyennement emballée par la perspective de lire cet ouvrage étant en général peu encline aux autobiographies genre personal branding de certains.
Et pourtant !
Sans aller jusqu’à dire que le contenu est révolutionnaire et a changé ma vie, il présente au moins le mérite de conforter certains phénomènes que l’on pouvait deviner et constater que c’est parfois une réalité partagée par de nombreuses autres femmes.
Certains passages ont même été une révélation, à l’instar de celui traitant du sentiment d’imposture.
Il m’a dès lors semblé nécessaire de relayer le témoignage de Sheryl Sandberg, en espérant qu’il puisse servir à d’autres femmes.
Bien évidemment, le choix éditorial concernant les extraits suivants tient compte de la sensibilité du lecteur et chacun(e) en tirerait des leçons différentes.
Les extraits suivants n’ont donc pas une valeur exhaustive.
Au-delà du relai du témoignage de Sheryl Sandberg, il m’est apparu nécessaire de transmettre son action en participant à son initiative de Lean In.
Ainsi qu'elle l'écrit, nous sommes plus forts à plusieurs.
Le site internet Lean In est une source intéressante d'informations pour celles qui pratiquent couramment l'anglais.
Sur ce site, elle met à disposition des femmes qui souhaiteraient créer des cerclesune plateforme d'informations et de logistique.
L'idée de ces cercles est de créer un petit groupe qui se réunit de façon périodique afin d'apprendre et échanger ensemble car, selon elle, on est plus créatif, plus confiant et déterminé à accomplir des choses lorsqu'on est en groupe.
Cette initiative, conjuguée à mon intérêt pour créer du lien entre les confrères, m'a conduite à constituer un cercle.
J'ai alors choisi une situation que je connais bien pour la vivre, qui est celle des consœurs jeunes installées, et proposé un cercle à leur destination, appelé Paris in Law.
L'objectif de ce cercle est de se retrouver pour un déjeuner mensuel afin de faire le point sur la situation de chacune, de voir les axes d'amélioration et de communication afin de permettre d'installer de façon pérenne notre activité.
Si vous connaissez des personnes intéressées pour rejoindre notre cercle, n'hésitez pas à leur transmettre l'information.
Sur ce, bonne lecture!
Le conjoint est le partenaire de notre vie:
Je suis sincèrement convaincue qu’une femme ne prend pas de décision plus déterminante pour sa carrière que celle de se lier ou non à un partenaire à vie, outre le choix de celui-ci. Je ne connais pas une seule femme de pouvoir font le compagnon ne soutienne pas pleinement –et je n’emploie pas cet adverbe à la légère- l’engagement professionnel. La règle ne souffre aucune exception. Contrairement à la conviction fort répandue que seules les célibataires parviennent au sommet, la majorité des femmes d’affaires à succès sont mariées. Sur les cinq cents P-DG des entreprises les plus cotées par le magazine Fortune, on dénombre vingt-huit femmes : vingt-six mariées, une divorcée et une célibataire. Un grand nombre d’entre elles ont affirmé qu’elles « n’auraient pas réussi sans le soutien de leur mari qui les a aidées à gérer les enfants et le quotidien, en se montrant prêt à les suivre où qu’elles aillent ».
Le présentéisme est contreproductif:
Les études les plus récentes concluent qu’un temps de travail allongé réduit la productivité. La professeure Leslie A. Perlow de l’école de commerce de Harvard a découvert qu’obliger les consultants du Boston Consulting Group à travailler moins les rendait plus efficaces.
L'écrasant fardeau du syndrome de l'imposteur:
Le penchant des personnes de talent à se laisser miner par le doute porte un nom : le syndrome de l’imposteur. Les hommes comme les femmes sont susceptibles d’en pâtir, encore qu’à un degré plus aigu pour celles-ci, ce qui tend d’ailleurs à les handicaper. (…)
Chez les femmes, le sentiment d’imposture est symptomatique d’un problème plus grave. Nous n’arrêtons pas de nous sous-estimer.
(…)
Demandez à une femme d’expliquer sa réussite : elle invoquera les facteurs externes, soulignant qu’elle s’en est bien tirée parce qu’elle a « travaillé très dur », qu’elle « a eu de la chance » ou « bénéficié d’une aide extérieure ». Les hommes ne réagissent pas non plus comme les femmes quand il s’agit de justifier un échec. Un homme l’expliquera plus volontiers par le fait qu’il n’a « pas assez travaillé » ou que « la matière ne l’intéressait pas ». Une femme qui échoue, en revanche, a plus tendance à se considérer comme une incapable. Quand un homme et une femme essuient tous deux une critique, l’assurance et l’estime de soi de la femme chutent plus dramatiquement.
(…)
Nous connaissons tous des gens très sûrs d’eux qui n’ont pourtant aucune raison de l’être. Nous connaissons tous aussi des gens qui pourraient faire mieux, si seulement ils avaient foi en eux-mêmes. Le manque d’assurance a tôt fait de se changer en prophétie autoréalisatrice. (…) j’ai découvert une tactique efficace pour pallier un manque d’assurance : feindre qu’on en possède plus qu’en réalité (…)
Les conclusions des chercheurs vont dans le même sens. Une étude a montré que ceux qui adoptent, pendant deux minutes à peine, une posture dénotant le pouvoir (en prenant tout la place pour étendre leurs jambes par exemple), voient augmenter leur niveau de testostérone et diminuer le taux d’hormones du stress (cortisol). Ils se sentent alors plus puissants, plus maîtres de la situation et prennent plus volontiers des risques. Une simple modification de leur manière de se tenir a provoqué en eux un changement d’attitude mentale.
Je ne conseille à personne de basculer dans l’arrogance ou la vantardise. Ce sont des traits de caractère que nul n’apprécie, ni chez les hommes ni chez les femmes. Malgré tout, on ne peut pas saisir d’opportunités si l’on ne sent pas sûr de soi –ou du moins, si on ne le prétend pas. J’enfonce une porte ouverte, mais on nous offre rarement des opportunités sur un plateau ; c’est à nous de les saisir. (…) les hommes cherchaient en outre plus activement des occasions de promotion (…) Impatients de progresser, ils étaient convaincus de pouvoir faire mieux. Et ils avaient souvent raison (…) les femmes de mon équipe se montraient quant à elles plus méfiantes au moment d’assumer de nouvelles fonctions ou de relever des défis. Je me suis souvent surprise à chercher à les convaincre de travailler dans de nouvelles branches. Un nombre incalculable de femmes ont répondu à mes encouragements : « je ne suis pas certaine d’être douée pour ça », ou : « ça paraît tentant mais je n’ai rien fait de tel » ou encore : »il me reste beaucoup à apprendre à mon poste actuel ». J’ai rarement, voire jamais entendu ce genre de réflexions dans la bouche d’un homme.
Vu la vitesse à laquelle évolue le monde aujourd’hui, saisir des opportunités se révèle plus déterminant que jamais.
( …)
Le Huffington Post a demandé à Padmasree Warrior, directrice de la technologie chez Cisco : « Quelle est la principale leçon que vous ayez tirée d’une erreur passée ? ». Elle a répondu : « J’ai refusé de nombreuses opportunités à mes débuts, parce que je me disais : « je n’ai pas de diplôme dans cette branche »ou «je ne connais pas ce secteur ». Avec le recul, je me rends compte que c’est la capacité à vite apprendre et à se rendre utile qui importe le plus. Ce que je répète aujourd’hui, c’est que, quand on cherche un projet phare dans lequel se lancer, on n’en trouve aucune qui nous corresponde parfaitement. Il faut saisir les occasions qui se présentent et s’arranger pour qu’elles nous conviennent plutôt que l’inverse. La capacité à apprendre est la qualité la plus essentielle d’un meneur d’hommes.
(…)
Je suis convaincue que nous devrions tous –hommes autant que femmes- remercier à la fois le destin et ceux qui nous ont tendu la main. Nul ne peut rien accomplir seul.
Je sais aussi que pour continuer à progresser et me lancer des défis, je dois croire en mes capacités. Il m’arrive encore d’affronter des situations dont je crains qu’elles me dépassent. Il y a encore des jours où m’envahit un sentiment d’imposture. Et il arrive encore que l’on me coupe la parole ou m’ignore, à la différence des hommes à côté de moi. Seulement, maintenant, je sais qu’il faut que j’inspire un grand coup
Le succès et la popularité sont positivement corrélés chez les homme mais pas chez les femmes. Quand un homme réussit ce qu’il entreprend, on ne l’en apprécie que plus. Quand une femme a du succès, en revanche, on observe la réaction inverse.
L’exemple type d’Heidi et Howard ou les attentes en fonction du genre:
Nous jugeons les gens en fonction d’idées reçues (sur leur sexe, leur type ethnique, leur nationalité ou encore leur âge). Typiquement, un homme doit subvenir aux besoins des siens, prendre des décisions et savoir où il va. Une femme, en revanche, doit s’occuper de ses proches, faire preuve d’empathie et se soucier de l’intérêt de la communauté. Comme notre archétype des femmes se forme par opposition à celui des hommes, la réussite professionnelle et les traits de caractère qui s’y rattachent se retrouvent associés aux hommes. En se concentrant sur sa carrière et en cherchant délibérément à s’assurer un maximum de pouvoir, Heidi est allée à l’encontre de ce que nous attendons d’une femme. En se comportant de la même façon, Howard, à l’inverse, a rempli nos attentes. Le résultat ? C’est qu’on l’apprécie lui, alors qu’elle, pas du tout.
Je tiens ce préjugé pour la cause fondamentale du maintien en retrait des femmes. Et il explique aussi pourquoi elles sont si nombreuses à rester volontairement en retrait. La réussite professionnelle d’un homme l’entraine dans un cercle vertueux qui le conforte dans sa volonté d’aller de l’avant à chaque étape de sa carrière. Les femmes qui réussissent, même quand ce qu’elles ont accompli leur vaut de la reconnaissance, sont souvent mal vues. Et de citer l’exemple de femmes politiques affublées de surnoms péjoratifs
J’ai vu cette dynamique se répéter à n’en plus finir. Quand une femme excelle à son poste, ses collègues des deux sexes estiment typiquement qu’elle s’en sort très bien « mais n’est pas tellement appréciée ». Sans doute se montre-t-elle « trop agressive », « elle manque d’esprit d’équipe », « elle est avide de pouvoir », « on ne peut pas se fier à elle », « elle crée des difficultés ». C’est en tous cas ce qu’on a dit de moi et d’à peu près toutes les femmes assumant de hautes responsabilités que j’ai connues. (…)
Une femme dès lors qu’elle est compétente, ne paraît plus assez aimable. Or une femme aimable passe forcément pour plus aimable que compétente. Vu que les employeurs souhaitent des employés à la fois aimables et compétents, les femmes ont du souci à se faire. Une attitude typiquement féminine les empêche de saisir les mêmes opportunités que les hommes. D’un autre côté, rompre avec les attentes de la société en saisissant les opportunités qui se présentent les amène à passer pour des égoïstes ne méritant pas de s’en sortir.
(…)
La plupart des gens aspire à ce qu’on les apprécie –et pas seulement parce qu’ils en retirent un sentiment agréable. Etre apprécié constitue un facteur clé de la réussite à la fois professionnelle et personnelle. (…) Prendre la mesure de sa réussite est indispensable à qui souhaite aller encore plus loin. Les promotions ne reviennent qu’à ceux qui ont la réputation de contribuer aux bons résultats de l’entreprise. Les hommes peuvent sans problème revendiquer ce qu’ils ont accompli, tant qu’ils ne tombent pas dans le travers de l’arrogance. La même attitude, chez une femme, entraîne en revanche un coût social et professionnel. (…) Quelqu’un qu’un homme a aidé se considérera comme son obligé. Il y aura de fortes chances qu’il lui renvoie l’ascenseur. Une femme qui donne un coup de main suscite en revanche un sentiment de reconnaissance moindre. C’est dans sa nature de se montrer solidaire, non ? (…)
Plus frustrant encore : une femme qui refuse de donner un coup de main a droit à des évaluations et des gratifications revues à la baisse. Qu’en est-il d’un homme qui refuse son aide ? Il s’en tire sans conséquence.
A cause de ces attentes injustes, les femmes se retrouvent dans une situation intenable où, quoi qu’elles fassent, elles sont fichues. La remarque vaut d’autant plus en ce qui concerne la négociation des salaires, titres et autres avantages. En général, les hommes négocient plus que les femmes… 57% des hommes contre 7% des femmes seulement avait tenté de négocier une meilleure offre. »
Enfin, pour terminer deux idées complémentaires qui me plaisent:
« On ne peut affirmer son autorité qu’à condition de se montrer tel que l’on est, avec ses défauts», « un dirigeant doit privilégier la sincérité à la perfection». Cela suppose d'être parfois un peu plus indulgentes avec nous-mêmes et, comme le dit une consoeur et amie Véronique, de s'autoriser le droit à l'erreur.
On a le droit de n'être ni une businesswoman acharnée ni une femme au foyer mais simplement un « parent qui adore son métier».
En espérant que ces quelques lignes vous auront apporté du réconfort ou une piste de réflexion.
Valérie Duez-Ruff