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14 décembre 2020 1 14 /12 /décembre /2020 15:33

On me demande souvent des jurisprudences de protection de la collaboratrice enceinte ou en retour de congé maternité.

Le Barreau de Paris ayant édité un focus très pratique et complet, je vous le reproduis ci-après, avec les décisions en bas de page :

 

RUPTURE DU CONTRAT DE COLLABORATION DE L'AVOCATE DE RETOUR DE CONGE MATERNITE

 

La protection de l’avocate enceinte est régie par l’article 14.5.3 du RIN, qui fait interdiction à l’avocat patron, sauf manquements graves, de mettre fin à la collaboration dès lors que sa collaboratrice lui a annoncé sa grossesse. Cette protection s’étend pendant toute la période de la grossesse mais également pendant les huit semaines qui suivent le retour de l’avocate au sein du cabinet. Cependant la jurisprudence est venue préciser certaines difficultés qui se posaient, notamment celle du point de départ de la période de protection de huit semaines lorsque l’avocate faisait suivre son congé de maternité de ses repos rémunérés. De plus, il arrive parfois que la collaboratrice voit son contrat rompu juste après l’expiration de la période de protection, dans cette hypothèse, il peut exister une discrimination.

 

Quelle est la durée de la période pendant laquelle le contrat ne peut pas être rompu, sauf manquement grave flagrant aux règles de la profession non lié à l'état de grossesse ?

 La période pendant laquelle le contrat de collaboration ne peut pas être rompu à l’occasion de la maternité commence du jour de la déclaration de grossesse pour s’achever huit semaines après le retour de la collaboratrice au cabinet.

 

Une période de repos rémunéré prise à la suite de la période de suspension prolonge t elle d'autant le délai de huit semaines pendant lequel le cabinet ne peut pas rompre le contrat de collaboration sauf manquement grave aux règles de la profession ?

La période de repos rémunéré consécutive à la suspension du contrat de collaboration à l'occasion de la maternité suspend la période de protection. En conséquence, la période de huit semaines pendant laquelle le contrat de collaboration ne peut pas être rompu commence à courir du jour du retour de la collaboratrice au cabinet.

Dans tous les cas, le délai de prévenance ne commencera à courir qu'à l'issue de cette période de huit semaines.

 

Point de départ de la période de protection

Cour de cassation 1ère chambre du 21 octobre 2020 : A compter de la déclaration par la collaboratrice libérale de son état de grossesse et jusqu'à l'expiration de la période de suspension du contrat à l'occasion de la maternité, le contrat de collaboration libérale ne peut être rompu par le cabinet, sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de grossesse ou à la maternité. Or, en l’espèce l’avocat patron n'établissait pas l'existence de manquements graves de sa collaboratrice aux règles professionnelles, de ce fait, la rupture du contrat pendant la période d'essai, après l'annonce de sa grossesse par l'avocate collaboratrice, était nulle.

 

Cour d’appel de Paris du 10 avril 2019 confirme la décision du bâtonnier du 14 novembre 2016 : A l’issue de son congé maternité, la collaboratrice a accolé ses congés d'été. Pour la cour d’appel, le retour effectif de l’avocate a eu lieu le lendemain de son retour, de ce fait, l’avocat patron ne pouvait lui notifier la rupture de leur relation de travail, la période de congés ayant suspendu sa période de protection. Ainsi, la cour confirme que le point de départ de la période de protection de la collaboratrice de retour de congé maternité est la date de son retour effectif.

 

Décision du bâtonnier du 9 février 2017 : le bâtonnier constate que le congé maternité de l’avocate a été suivi d’une période de repos rémunéré. Cette période consécutive à la suspension du contrat de collaboration à l’occasion de la maternité suspend la période de protection. En conséquence, la période de protection des huit semaines commence à courir du jour du retour de la collaboratrice au cabinet.

 

 

Rupture du contrat de collaboration dès le retour de l'avocate au sein du cabinet

Cour d’appel de Versailles du 16 janvier 2020 : De retour de congé maternité, une avocate salariée au sein d’un cabinet d’avocat a été reçue en entretien au cours duquel elle a été informée des changements d’organisation, survenus durant son absence, en raison de l’arrivée d’une nouvelle associée, des conditions d’exécution de son travail et de ses attributions. Le bâtonnier prononce la requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Aux vues des fiches de poste établies, l’avocate fait l’objet d’une rétrogradation de ses fonctions. De plus, cette réorganisation n’a pas touché les autres collaborateurs du cabinet, qui ont conservé leur autonomie.

 

Décision du bâtonnier du 16 septembre 2019 : A son retour de congé maternité, soit neuf semaines après son retour, une avocate collaboratrice libérale a vu son contrat rompu. Concernant la discrimination au retour de son congé maternité : le bâtonnier constate qu’à son retour, l’avocate ne s’est pas vue remettre un jeu de clés des nouveaux locaux, et ne disposait plus d’un bureau personnel, ni d’un poste de travail lui permettant d’exercer son activité professionnelle.

Elle doit donc obtenir réparation.

De plus, la brièveté du retour de l’avocate au sein de la selarl laisse présumer une discrimination. La selarl ne rapportant pas la preuve que la rupture est liée à des éléments étrangers à la grossesse et à la maternité devra indemnisée sa collaboratrice.

 

Décision du bâtonnier du 21 juin 2018 : le bâtonnier constate que malgré le bref délai entre la fin de la période de protection et la notification de la rupture, il n’est pas démontré que la rupture ait eu pour motif la grossesse.

Sur le caractère vexatoire de la rupture, le bâtonnier accorde des dommages et intérêts à la collaboratrice qui se trouvait à cette période en situation de fragilité.

 

Décision du bâtonnier du 31 août 2017 : le bâtonnier ne retient pas le caractère discriminatoire de la rupture au motif que cette rupture était envisagée par le cabinet bien avant l’annonce de la grossesse de la collaboratrice. Il apparait donc que la décision de rompre la collaboration n’était pas liée à l’état de grossesse de la collaboratrice.

Cependant, la rupture est intervenue dans des conditions brutales et vexatoires, car à son retour de congé, la collaboratrice n’a pas retrouvé son bureau, et a été mise à l’écart de dossiers et de l’activité du cabinet. Il lui est allouée des dommages et intérêts.

 

Cour d’appel de Versailles du 26 mai 2016 : une avocate collaboratrice libérale de retour de congé maternité a vu son contrat rompu et ce, seulement cinq jours après son retour. Pour la cour d’appel, la concomitance entre ces deux évènements, laisse présumer l'existence d'une discrimination et ce d'autant que la lettre de rupture n'est pas motivée. Il incombe au patron de prouver que la rupture du contrat de collaboration ne présente pas de caractère discriminatoire. Mais, ne permettent pas d’en rapporter la preuve, les courriels amicaux échangés entre les parties après la naissance de l'enfant ni le fait d’avoir par le passé déjà engagé comme collaboratrices des femmes en âge d'avoir des enfants.

 

Cour d’appel de Paris du 27 janvier 2015 : Une avocate a vu son contrat de collaboration libérale rompu à son retour de congé maternité. Le fait qu’au cours du congé maternité, le cabinet ait envoyé des mails amicaux à sa collaboratrice est sans incidence, ces mails ne font état d’aucune insuffisance. La cour condamne le cabinet au versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier.

 

Cour d’appel de Paris du 21 octobre 2003 : A l’issue de son congé maternité, le jour de sa reprise d’activité, une avocate s’est vue notifier la rupture de son contrat de collaboration. Aucune faute professionnelle ne peut lui être reprochée, en effet dans la lettre de rupture, il ressort clairement que s’est en raison de la grossesse et de la suspension du contrat à l’occasion de l’accouchement que la rupture a été décidée. Le fait d’invoquer une réorganisation du cabinet en raison de cette absence est sans influence. La cour condamne l’employeur à réparer le préjudice économique et moral de l’avocate.

 

 

CA de Paris du 0 avril 2019

Décision du bâtonnier du 14 novembre 2016

Décision du bâtonnier du 9 février 2017

CA de Versailles du 16 janvier 2020

Décision du bâtonnier du 16 septembre 2019

Décision du bâtonnier du 21 juin 2018

Décision du bâtonnier du 31 août 2017

CA de Versailles du 26 mai 2016

CA de Paris du 27 janvier 2016

CA de Paris du 21 octobre 2003

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Published by Moms à la Barre